par Léon D'Ambroise (Pseudonyme)
Angleterre , 1851. William, scientifique dépressif met au point une ruche censée révolutionner l'univers des abeilles .
Ohio, 2007. George, apiculteur bourru, ne se remet pas de la nouvelle : son unique fils, converti au végétarisme, rêve de devenir écrivain. Qui va donc reprendre les rênes d’une exploitation menacée par l’inquiétante disparition des abeilles ?
Chine, 2098. Les insectes ont disparu. Comme tous ses compatriotes, Tao passe ses journées à polliniser la nature à la main. Pour son petit garçon, elle rêve d’un avenir meilleur. Mais, lorsque ce dernier est victime d’un accident, Tao doit se plonger dans les origines du plus grand désastre de l’humanité.
William, George et Tao symbolisent l’histoire des abeilles, depuis leur domestication, l’avènement de l’apiculture moderne, jusqu’à leur disparition et leur remplacement par l’homme. Ce qui s’annonce être la plus grande catastrophe écologique donne ici lieu à une fiction mêlant faits historiques et dystopie. Mieux que tous les discours moralisateurs et culpabilisants qui s’avèrent souvent stériles, ce roman parvient à créer un véritable électrochoc chez le lecteur qui, par l’alternance des époques, prend conscience de la formidable mécanique que représente l’organisation des abeilles et de l’irréparable perte qui nous menace.
"Tous ceux qui élèvent des abeilles le savaient : ce n’était pas le miel qui rapportait gros. C’était la pollinisation. Sans les abeilles, il n’y avait pas d’agriculture possible. Des hectares et des hectares d’amandiers ou de myrtilliers ne valaient rien si les abeilles ne butinaient pas leurs fleurs. Elles pouvaient parcourir plusieurs kilomètres par jour. Ce qui représentait des milliers de fleurs. Sans abeilles, les fleurs se révélaient aussi vaines que les participantes à un concours de Miss. Leur beauté s’évanouissait avec le temps et elles mouraient sans donner le moindre fruit."
Trois récits s’entremêlent et sont pourtant clairement identifiés, il n'y a donc aucune difficulté à suivre la progression du récit.
Chaque lieu, chaque époque sont minutieusement décrits, nous donnant à voir l’ambiance du village rural anglais et d’une de ses familles, à saisir les paysages de l’Ohio et la vie de ses grandes exploitations et à frémir sous les dictats de la commissaire suprême.
La plume de Maja Lunde fait ressentir les ambiances, crée les images tant ses descriptions sont riches, elle dissèque les rapports entre les protagonistes tel un entomologiste décrirait l’organisation d’une ruche. Elle aborde à la fois les causes et les conséquences de la disparition des insectes. Le propos est engagé, militant et écolo mais le vernis de la fiction et une narration maline allège grandement la façon d’aborder le sujet.
Ce roman nous saisit car il aborde notre réalité et nous ramène à notre propre rapport à la nature. Il est très facile à lire cependant le seul reproche que l'on pourrait faire est qu'il manque de relief. Dans un monde où tout va vite et s'entrechoc, nous avons pris l'habitude d'être tenus en haleine, ce qui n'est pas forcément le cas ici. Mais même si vous finissiez par vous ennuyer, ne serait-ce que pour vous informer de la situation de notre planète de façon détournée, vous devriez lire ce roman jusqu'au bout !
"L'abeille meurt quand ses ailes sont usées, déchiquetées par trop de battements, comme les voiles du hollandais volant. Alors qu'elle prend son envol, gorgée de nectar et de pollen, ses ailes, sans prévenir, refusent de la porter. Elle ne retourne jamais à la ruche, mais s'écrase au sol avec son butin. Si les abeilles étaient douées de sentiments humains, sans doute éprouveraient-elles à ce moment-là un bonheur sans mélange : la satisfaction d'entrer au royaume des cieux en ayant accompli leur devoir d'abeille, en ayant fourni pour ce faire des efforts gigantesques compte tenu de la petitesse de leur corps."
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